La parentalité comme activité sociale : expérience d’une maman en fauteuil roulant

 
 

Des feux d’artifices oranges et rouges, vue de la plage.

 

Nous avons tous pensé, à un moment ou un autre, que d’être parent serait facile.

Ou du moins, pas si difficile.

Nous avons aussi tous pensé que nous pourrions nous en sortir seuls. Jusqu'à ce que nous soyons confrontés à un enfant surexcité et fatigué. À ce moment-là, nous avons tous douté de nos compétences parentales.

Les journées difficiles sous le soleil

Les enfants en vacances, c'est génial, mais ils se fatiguent et, après quelques jours, il peut être assez difficile de les garder en pleine forme. Mais, en tant que parents, nous essayons tout de même de faire le mieux que l’on peut !

Lorsque je suis en vacances avec ma sœur et nos enfants, nous finissons souvent par co-parenter d'une certaine manière. Peu importe qui a donné naissance à qui, nous nous occupons simplement des enfants qui nous entourent. Au fur et à mesure que les enfants grandissent, il devient quelque peu plus facile de s'occuper d'eux, car il y a moins de choses à organiser au quotidien. Les plus jeunes sont plus exigeants car ils réagissent plus à la fatigue et l'excitation, et ont moins de capacités d'autorégulation.

Ben, le plus jeune de la famille, est l'un des enfants les plus drôles que je connaisse. C'est aussi un enfant qui peut devenir assez exigeant.

Lors d'un récent voyage en famille, nous nous sommes rendus à pied à une plage voisine à la tombée de la nuit pour admirer des feux d'artifice. Les feux d'artifice, bien sûr, ont lieu après l'heure du coucher de Ben. Mais nous ne sommes pas tous les jours en vacances ! Sur le chemin du retour, je vois que ma sœur en arrache un peu avec Ben. Je vois aussi que Ben ne l’écoute pas, et comme nous sommes entourés de monde, je décide d’offrir un répit à ma sœur en appelant Ben à moi.

Demander aux enfants de l'aide, pour qu'ils suivent les directives

Ben ? » dis-je. « J'ai besoin de ton aide » (pas vraiment – je n'avais pas vraiment besoin de son aide). « Peux-tu m'aider à pousser mon fauteuil roulant, il y a trop de monde autour. »

Ben dit quelque chose d'inaudible mais obéit. Puis, quelques blocs plus loin, Ben me dit qu'il ne veut plus pousser mon fauteuil roulant. Il demande si je peux me débrouiller seule. Je réponds rapidement que je n'avais en fait pas vraiment besoin de son aide. J'avais juste besoin qu'il se concentre sur quelque chose, pour savoir où il se trouvait dans cet océan de gens.

Il grogne et redemande si il peut arrêter de me pousser. Je lui dis bien sûr, mais je lui demande de marcher à côté de moi, jusqu'à ce qu’on arrive à l'hôtel. Je vois que mes demandes l'empêchent de partir à l'aventure. Mais c'est un peu le but.

Ben et moi commençons alors une conversation. Comment s'est passée sa journée ? Que pensait-il des feux d'artifice ? Que fera-t-il une fois de retour à l'hôtel ?

La journée était amusante. Les feux d'artifice étaient bruyants et magnifiques. Ben me dit, que de retour à l'hôtel, il se lavera les mains, ira aux toilettes, se brossera les dents, mettra son pyjama, dira au revoir à tout le monde et ira dormir, sans faire d'histoires.

Ça a l'air super. Nous continuons notre conversation en nous rapprochant de plus en plus de l'hôtel Ilima.

Mise en œuvre de mon plan diabolique

Nous arrivons et Ben me voit le suivre dans sa chambre d’hotel et il demande pourquoi. Je réponds que je le suis car il m'a dit tout ce qu'il ferait une fois de retour à l'hôtel et je voulais le voir de mes propres yeux. Il roule légèrement des yeux vers le haut et se dirige directement vers un iPad.

« Euh… Ben ? Je ne crois pas que tu aies mentionné aller jouer sur l'iPad quand je t'ai demandé ta routine du coucher. Tu te souviens de ce que tu as dit que tu ferais ? »

« Aller aux toilettes, me laver les mains, me brosser les dents, … », me réponds Ben.

« Alors vas-y. Étape 1. Va aux toilettes. Une fois que tu as terminé, je m'attends à ce que tu ouvres la porte de la salle de bain pour que je puisse te voir faire le reste des étapes. »

« Pourquoi veux-tu me voir faire les autres étapes, tata ? »

« Eh bien, Ben. Qu'est-ce que tu en penses ? Penses-tu que tu suivrais toutes les étapes si je ne demandais pas à les voir ? »

Sa réponse : un sourire, qui en disait long.

Pendant qu'il se brosse les dents, je vois ma sœur s'occuper d'Alex, une de ses grandes soeurs. Elle n'intervient pas et ne dit rien. Ben essaie de déranger Alex, mais je lui rappelle doucement que « taquiner sa sœur » n'était pas non plus sur la liste.

Petit à petit, Monsieur Ben coche chaque élément de la liste QU'IL a construite. Il passe par toutes les étapes qui le mettent au lit. Quand il est temps de dire bonne nuit, il vient me faire le plus gros câlin possible (et un qui dure super longtemps !). À ce moment-là, ma sœur ne dit rien et ne fait que regarder. En 20 minutes, Ben était au lit, prêt à dormir (presque !).

Conclusion

Nous avons tous pensé que les parents ou adultes valides pourraient mieux intervenir avec les enfants. Moi y compris malheureusement. Cela s'appelle le capacitisme, et dans mon cas, le capacitisme intériorisé. Une série de notions préconçues qui nous font croire qu'un corps valide, un esprit valide est meilleur qu'un corps qui a été blessé. Il s'avère que c'est faux.

Il s'avère que la validité a peu à voir avec la façon dont un enfant nous répond. La réponse d'un enfant dépendra de son niveau de fatigue et de stress, par exemple, ou du nôtre. Notre capacité à répondre de manière appropriée dépendra également de notre capacité à être patient et à réguler nos émotions. Mais surtout, un enfant nous répond en fonction de la relation que nous avons établie avec lui.

Depuis sa naissance, Ben et moi avons souvent été seuls ensembles. Il me connaît et je le connais. Il sait que je l'aime très fort. Et je sais qu'il me fait confiance. Je sais aussi qu'il sait que lorsque je dis quelque chose, je vais jusqu'au bout. Je le lui ai expliqué à plusieurs reprises qu’en tant qu'utilisatrice de fauteuil roulant, je dois aller jusqu'au bout pour que les enfants sachent que je suis sérieuse lorsque je leur donne des directives. C'est autant pour leur sécurité que pour la mienne. Alors, quand je lui donne des directives, de manière ludique, Ben répond positivement.

Ma situation de handicap n'impacte pas négativement ma capacité à éduquer les enfants. Au contraire, je crois que mon handicap me rend un peu plus astucieuse dans la façon dont j’interviens avec eux.


 
 

écrit par
Marjorie Aunos, PhD., est une chercheuse de renommée internationale, professeure adjointe, psychologue clinicienne et conférencière inspirante primée de Montréal, Canada.

 

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Marjorie Aunos

Marjorie Aunos, PhD., is an internationally renowned researcher, adjunct professor, clinical psychologist, and award-winning inspirational speaker from Montreal, Canada.

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